Récit de passion et passion du récit

 

Par Raphaël Baroni

Le but de cette communication est d’entreprendre un rapide tour d’horizon des implications, pour la théorie du récit, des nouvelles orientations théoriques observables aujourd’hui dans de nombreux secteurs des sciences humaines en direction d’une analyse des discours (littéraires ou non), qui met en évidence la nature dialogique (ou interactive) des productions sémiotiques, ainsi que l’intrication fondamentale entre affect et cognition, aussi bien dans la production que dans l’interprétation des textes. Il sera ainsi question d’examiner plus précisément les rapports qui existent entre passion et narration.
Il nous faut d’emblée préciser en quelques mots l’usage que nous ferons du terme passion, qui se réfère ici à un phénomène affectif d’ordre général[1], une forme de pathos qui met en lumière la « passivité » du sujet, la dimension affective de son expérience. Non pas tant que cette « passivité » serait nécessairement opposée à une « activité » dans le sens ou elle exclurait cette dernière : il s’agit bien plutôt de mettre l’accent sur le fait que l’intentionnalité, qui part du sujet et qui est dirigée vers l’objet, est ici inversée de sorte que l’on s’intéresse davantage à la résistance qu’oppose l’objet au « vouloir » et au « pouvoir » du sujet, que l’on se penche sur la manière dont cet objet affecte le sujet. C’est la relation entre l’agir et le pâtir qui fera l’objet d’une attention particulière, et nous montrerons qu’il est difficile de penser l’un indépendamment de l’autre. Dans cette perspective, s’il est question d’action, cette dernière sera envisagée essentiellement comme une forme de réponse du sujet à une forme de questionnement ou de crise qui lui vient de l’extérieur.
En fait, dans notre approche de la narrativité, les dimensions active et passive, loin de s’opposer, se complètent et s’éclairent mutuellement et nous verrons notamment que, dans l’interprétation d’un récit, l’activité cognitive anticipatrice (sous forme de pronostic ou diagnostic), est en quelque sorte activée par la réticence textuelle manifestée dans la « mise en intrigue » des événements, et cette réticence vise à exciter la curiosité de l’interprète ou à produire du suspense, à l’intriguer, à l’impliquer d’une manière ou d’une autre dans l’histoire, c’est-à-dire à accentuer la dimension « passionnante » du texte en entretenant une incertitude provisoire. Nous verrons ainsi qu’il est nécessaire de repenser la corrélation entre ces deux faces, active et passive, qui se manifestent au sein de chaque événement, et notamment dans l’activité interprétative d’une fiction intrigante. Ainsi que l’affirme Ricœur, l’« esthétique », en tant que théorie de l’actualisation du texte par une conscience, a pour thème « l’exploration des manières multiples dont une œuvre, en agissant sur un lecteur, l’affecte. Cet être affecté a ceci de remarquable qu’il combine, dans une expérience d’un type particulier, une passivité et une activité, qui permettent de désigner comme réception du texte l’action même de le lire » (Ricœur 1985 : 303).
Nous voudrions enfin préciser que le terme « événement » ne sera pas pris dans le sens de l’opposition classique entre événement physique et action associée à un agent humain, telle qu’on la trouve thématisée par exemple dans la philosophie analytique (cf. Revaz 1997), mais bien dans le sens de « ce qui fait événement » dans la vie, c’est-à-dire ce qui se manifeste par une « saillance » et qui constitue le « racontable » du récit.

La « mode » des émotions en analyse du discours

La récente et spectaculaire réorientation de la sémiotique greimassienne en direction d’une « sémiotique des passions » est particulièrement symptomatique de ce changement de cap dans les sciences humaines qui a remis les émotions à la mode (cf. Greimas & Fontanille 1991 ; Hénault 1994 ; Sadoulet 1995 ; Fontanille & Zilberberg 1998 ; Fontanille & Bordron 2000). Un point crucial que soulèvent ces travaux tient à la mise en évidence d’une corrélation fondatrice, à la racine de la schématisation narrative, entre la tension caractérisant l’événement et l’extension engendrant le procès :
[Au niveau] de la transformation discursive, la forme sensible est celle de l’événement, caractérisé par son éclat et sa saillance, et sa conversion intelligible et extensive engendre le procès, souvent défini comme un « entier » quantifiable et divisible en aspects ; inversement, le procès n’est saisissable pour le sujet du sentir que s’il est modulé par l’intensité qui en fait un événement pour l’observateur. La corrélation fondatrice de la schématisation narrative du discours serait donc celle-ci :    
événement      ó     procès
   intensité              extensité

(Fontanille & Zilberberg 1998 : 77)
A travers l’affirmation de cette corrélation fondatrice, la question de la tension narrative peut dès lors revenir au cœur d’une réflexion sémiotique sur la narrativité, et cette approche « passionnelle » du discours et de sa schématisation recoupe les préoccupation de nombreuses autres disciplines connexes.
Du côté de la linguistique, le passage d’une linguistique structurale à une linguistique énonciative s’est également accompagné d’un regain d’intérêt pour l’analyse des marques de l’émotion dans la langue et par la réhabilitation des travaux de Charles Bally et de Roman Jakobson. Jakobson affirmait en effet que la « fonction émotive, patente dans les interjections, colore à quelques degrés tous nos propos, aux niveaux phonique, grammatical et lexical » (1963 : 215) et Jean-Michel Adam (à paraître) rappelle « l’intérêt, pour la théorie de l’argumentation contemporaine, qui (re)prend en compte la théorie du pathos, d’une linguistique énonciative » qui se penche sur la question « des émotions et de l’affectivité dans la langue ». L’essor des approches interactionniste et pragmatique a par ailleurs mis en évidence le fait que certains éléments du texte et du contexte fonctionnaient comme des inducteurs d’émotion chez l’interprète (cf. Plantin, Doury & Traverso 2000). Mais cette réflexion sur la dimension émotionnelle et interactive de l’interaction verbale n’est pas nouvelle et se trouve déjà esquissée dans la fameuse étude de William Labov (1978) qui visait à mettre en évidence les nombreux « procédés évaluatifs » dont se servent les locuteurs pour justifier la pertinence de leurs récits :
Dès lors qu’un événement devient plus ou moins commun, qu’il cesse de violer une règle de comportement établie, il perd son caractère mémorable. C’est pourquoi le narrateur, soumis qu’il est à la pression sociale, se sent toujours contraint de bien montrer que les événements vécus par lui étaient vraiment dangereux et inhabituels, ou que la personne dont il parle a réellement enfreint les règles d’une façon grave et digne d’être rapportée. Bref, ce que disent les procédés évaluatifs, c’est [que] c’était tout le contraire du banal, du quotidien, de l’ordinaire. (Labov 1978 : 475-476)
L’approche de Labov souligne donc non seulement qu’il est nécessaire de tenir compte de l’articulation du récit avec sa situation énonciative - l’interaction verbale, directe ou différée, au sein de laquelle il se déroule - mais également de la nature « passionnante » de ce qui est narré, qui doit être conforme à la règle conversationnelle de la pertinence. Jean-Paul Bronckart (1996) souligne lui aussi le fait que le statut dialogique de la séquence narrative (même, et surtout, dans le dialogisme différé propre aux textes littéraires) dépend avant tout de la production d’une tension donnant du « relief » au discours et assurant sa « mise en intrigue » et sa pertinence au niveau de la relation interlocutive. Ce point de vue est repris et développé par Robert Bouchard (1996), qui distingue les textes à « tension externe », c’est-à-dire ceux qui permettent de résoudre une tension déjà présente dans l’interaction, comme par exemple les notices de montages ou les recettes de cuisine, des textes à « tension interne », dont les récits de fiction seraient particulièrement représentatifs.
Parallèlement à ces travaux, qui insistent sur la force de la parole, sur son rapport avec un contexte pragmatique et interactif, il faut signaler également le retour de la rhétorique dans le champ de l’analyse de discours car, comme le résume Claudia Caffi, « au fond, la rhétorique[2] tout entière peut être conçue comme un inventaire infini de dispositifs produisant des émotions » (2000 : 89). Cette approche du discours qui insiste sur les moyens à disposition de l’orateur lui permettant de produire du pathos trouve d’ailleurs un prolongement spécifiquement narratif dans la notion de catharsis, cette fonction du discours qui avait été définie, dans la Poétique d’Aristote, comme un effet d’épuration des passions constituant la finalité des arts mimétiques. La tradition rhétorique et poétique héritée d’Aristote a été élargie, modernisée et réinscrite au cœur des questions narratologiques par le biais notamment des travaux de Meir Sternberg (1978 ; 1990 ; 1992), qui distingue, parmi les effets poétiques engendrés par le récit, trois modalités principales, liées chacune à différents « modes d’exposition » de l’action : le suspense (qui dépend d’une narration chronologique), la curiosité (qui est produite par une exposition retardée et énigmatique) et la surprise (qui fait surgir soudainement une information qui nous avait été dissimulée).
Les propositions théoriques de Sternberg ont également donné naissance, dans le cadre des travaux d’orientation cognitiviste, à la « structural-affect theory » qu’ont développé Brewer et Liechtenstein (1982) et qui est venu donner une assise empirique et psychologique à l’analyse stylistique portant sur les modes d’exposition du récit (cf. également Jose & Brewer 1985 ; Brewer 1996). Toujours dans le champ des sciences cognitives, et dès 1979, Beaugrande et Colby ont attiré l’attention sur certains aspects formels rendant les récits plus « intéressants », et donc plus « résistants » dans la mémoire des sujets, aspects qui portent essentiellement sur la gestion d’une incertitude provisoire du texte : « Information is often withheld about linkages of states or events, either because it is inferrable or in order to maintain uncertainty and interest » (1979 : 48). Ce point de vue était également partagé par Van Dijk (1976) qui soulignait que le récit, pour être acceptable, devait décrire un cours d’événement imprévu dans lequel l’intention du sujet était contrariée d’une manière ou d’une autre. L’intention et sa structure téléonomique sont d’ailleurs au fondement de la théorie du « schéma » développée par Mandler et Jonhson et qui a connu un succès important dans le champ de la psychologie cognitive. Plus récemment, Michel Fayol (2000) a montré que le récit porte généralement - dès lors qu’il atteint un certain degré d’élaboration dans le développement ontogénétique du sujet parlant - sur la transgression d’un « script », c’est-à-dire sur la rupture d’une routine instituant un développement actionnel prévisible.
Lorsqu’un événement inattendu survient ou qu’un obstacle surgit, le déroulement des faits ne suit pas un décours habituel. Cette situation devient un objet potentiel de narration […]. Le caractère inhabituel des faits est perçu et construit comme entraînant une réaction et une (ou plusieurs) action(s) du « héros » de l’histoire visant à rétablir la situation initiale ou à la modifier pour s’adapter. (Fayol 2000 : 195)
Du côté des théories de la réception, Hans-Robert Jauss (1979) a pour sa part réactualisé l’étude de la catharsis (en relation avec la poiesis et l’aisthesis), et cette ouverture, enrichie par une perspective psychanalytique, a été poursuivie notamment par les travaux de Michel Picard sur les fonctions ludiques du récit et sur la question l’immersion dans des univers fictionnels[3]. Cette question de l’immersion a fait par ailleurs l’objet d’analyses récentes dans une perspective plus cognitiviste, notamment dans l’ouvrage que Jean-Marie Schaeffer a consacré à la fiction (1999) ou dans les travaux de Mary-Laure Ryan sur les rapports entre fiction et réalité virtuelle (1994 ; 2004). Dans un entretien publié sur Vox Poetica, Jean-Marie Schaeffer précise d’ailleurs, au sujet des travaux qu’il a consacré à l’immersion ludique dans les mondes possibles de la fiction, que les fonctions cognitives sont indissociables de la dimension affective : « Ce terme [cognitif] est souvent lié à l’opposition cognitif / affectif. Or, quand je dis "fonction cognitive", c’est une cognition qui est saturée affectivement. Il me semble qu’il n’y a que cette cognition-là qui soit effective dans la vie réelle. Seules les croyances qui sont saturées affectivement guident nos actions[4]. »

Représentation d’actions ou représentation de passions ?

Toutes ces perspectives plus ou moins convergentes que nous venons de passer en revue rendent possible une approche renouvelée de la narrativité dans laquelle la dimension passionnelle (ou passionnante) des événements relatés, ainsi que les traits du suspense, de la curiosité ou de la surprise, qui sont intimement liés au phénomène de la « mise en intrigue » et à la tension interne du discours (que nous baptisons : tension narrative) peuvent enfin (ou peuvent à nouveau) jouer les premiers rôles. Pourtant, il semble bien que cette dimension passionnelle de la narrativité demeure encore soit partiellement occultée, soit marginalisée, et cela pour des raisons aussi bien idéologiques qu’esthétiques, et nous aimerions brièvement revenir sur les raisons probables de cet état de fait.
En effet, la critique marxiste et l’esthétique moderniste de « l’art pour l’art » ont longtemps rejeté dans les marges ces traits du récit : la tension ou le suspense étaient jugés comme des artifices racoleurs ne pouvant servir qu’une finalité commerciale et connotant nécessairement des œuvres populaires et déclassées (sur cette question de la « valeur littéraire du suspense », cf. Baroni 2004a). De ce point de vue, le retour de l’intrigue et le brouillage des valeurs dans l’esthétique postmoderne sont probablement aussi fondamentaux dans la possibilité qui est aujourd’hui offerte de remettre en avant la dimension passionnelle de la narrativité, que l’émergence d’une sémiotique des passions, le retour de la rhétorique et le passage à une linguistique énonciative et pragmatique.
On constate en effet que les avancées réalisées notamment par Barthes (1970 : 1973), Genette (1972) ou Grivel (1973), ont été longtemps limitées par l’esthétique dominant le champ artistique de leur époque. Pour Grivel par exemple, son analyse de l’intérêt romanesque ne pouvait porter que sur un corpus d’œuvres restreint, composé de romans « populaires » qui s’étalaient entre 1870 et 1880, il ne s’agissait donc nullement d’une analyse narratologique à visée généralisante, mais bien d’une analyse ayant une connotation fortement historique. Quant à Genette (1972), Sternberg[5] (1992) a montré que sa focalisation sur les distorsions temporelles dans l’œuvre de Proust dépendait de la valorisation d’une esthétique de la complexité, et qu’elle était également tributaire d’un déclassement a priori des récits chronologiques visant la production d’un certain suspense.
Barthes, pour sa part, a décrit dans S/Z (1970) et dans Le Plaisir du texte (1973) les codes qui structurent le récit selon une logique irréversible (codes herméneutique et proaïrétique qui s’apparentent aux effets de curiosité et de suspense) mais, en même temps, il a condamné la lecture linéaire comme une perversion (une forme de voyeurisme) et un asservissement à la logique économique du marché des biens symboliques pour valoriser à l’inverse une esthétique de la relecture[6] : la lecture « étoilée » et totalement réversible. « Ce qui bloque la réversibilité », affirme-t-il, « voilà ce qui limite le pluriel du texte classique. Ces blocages ont des noms : c’est d’une part la vérité et d’autre part l’empirie : ce précisément contre quoi ----- ou entre quoi- - s’établi le texte moderne » (1970 : 33). Si l’analyse d’une œuvre balzacienne permet d’éclairer ces traits passionnels de la narrativité qui orientent le texte de son nœud vers son dénouement, il est donc affirmé que ces « blocages » de la réversibilité et de la pluralité interprétative[7] ne caractérisent qu’une esthétique classique révolue. Là encore, on ne toucherait donc pas à un trait fondamental de la narrativité.
Bien que la dimension passionnelle ou « tensive » apparaisse aujourd’hui, pour de nombreux auteurs (p. ex. Sternberg, Brewer, Picard, Jouve, Bronckart, Bouchard, Fontanille, Zilberberg, etc.), comme un trait fondamental de la narrativité, et bien que les émotions soient revenues à la mode dans de nombreux secteurs des sciences humaines, il nous semble malgré tout que l’on assiste encore à une certaine résistance dans le renouvellement de la définition du récit, de sa nature et de sa fonction anthropologique. Peut-être cette résistance tient-elle, ainsi que nous l’avons suggéré, à la difficulté de surmonter certains préjugés esthétiques condamnant, dans le domaine des arts, le recours à des effets émotionnels ; mais il y a probablement une cause plus profonde et plus théorique à cette situation : le récit conçu, depuis Aristote, comme une imitation d’action (une mimèsis praxeos) semble, par sa nature même, mettre au premier plan la dimension active de l’expérience. La dimension passive apparaît alors comme l’apanage d’autres modes d’expression qui ne sont pas a priori narratifs, tels que le lyrisme par exemple, qui s’oppose à l’épopée ou à la tragédie. Par conséquent, c’est bien la logique de l’action (cf. Bremond), avec sa dynamique projective configurant une temporalité, par opposition à la question apparemment statique des états ou des passions, qui a longtemps occupé l’avant-scène de la réflexion de la narratologie structuraliste.
Mais une telle opposition masque le fait que l’activité et la passivité, la cognition et l’émotion, sont des dimensions indissociables au sein des phénomènes, qu’elles sont présentes dans chaque événement, dans chaque représentation ou dans chaque discours produit ou interprété. Ainsi que l’affirmait Ricœur dans un entretien avec Greimas autour de la sémiotique des passions : « D’un point de vue phénoménologique on ne peut rencontrer le problème du pâtir que si on a affaire à des êtres "agissants". […] Si nous n’étions simplement que des êtres mécaniques, si nous n’étions pas les auteurs de nos actions, capables de passer par les modalités du vouloir et du pouvoir, nous ne saurions pas ce que c’est que les passions. C’est à des êtres agissants qu’il arrive ce quelque chose : souffrir[8] » (Hénault 1994 : 211).
Entreprendre une action, c’est se heurter à une résistance potentielle, c’est prendre le risque d’échouer dans l’actualisation de son intention. Quand ce risque apparaît nul, quand on nage en pleine routine, il n’y a rien à raconter, le monde est absent, il n’y a pas événement, le temps est réduit à une simple répétition, à un éternel retour du « présent-absent ». Au contraire, lorsque l’action est menacée dans son accomplissement, lorsqu’elle est contrariée d’une manière ou d’une autre, lorsque l’on est amené à produire des pronostics incertains sur son succès ou son échec, alors l’événement devient sensible et la temporalité s’approfondit, nos pronostics luttent contre un futur écrasant de sa présence. De même, lorsqu’on nage en plein brouillard, lorsqu’on ne parvient plus à distinguer les objets, les êtres ou à saisir le sens de leurs actions, nos diagnostics s’opposent à un présent ou à un passé lourds de mystères. Il se passe quelque chose et cela mérite peut-être d’être raconté, et pas seulement décrit ou expliqué.
Prendre en compte la dimension passionnelle du récit revient ainsi à concevoir que la narrativité consiste précisément en la mise en scène de l’indétermination du monde et/ou du devenir, c’est le lieu où l’action se représente dans son incertitude, le lieu où peuvent être explorées les obscurités du monde et du futur dans lesquelles s’enracinent nos angoisses et nos espoirs. Mais c’est aussi le lieu où le monde manifeste sa présence, son extériorité, le lieu où les actions apparaissent comme la réponse à une « crise », le lieu où les composantes de l’action et l’identité du sujet peuvent émerger à travers le temps, se détacher du fond aveuglant de nos routines quotidiennes : les contours de l’agir se dessinent grâce à l’ombre projetée par ce qui résiste à notre pouvoir et cette ombre se maintient dans la lumière qu’apportent nos schèmes prévisionnels et explicatifs.

Perspectives pour un renouvellement des questions narratologiques…

Une narratologie renouvelée par la prise en compte des dimensions affective et interactive pourrait prendre plusieurs directions : un pôle focalisé sur la réception mettrait notamment en évidence les phénomènes qui rendent un récit passionnant, il pourrait également examiner les diverses modalités selon lesquelles l’affect initial, qui se trouvait à l’origine du récit, se prolonge, trouve une résonance chez l’interprète, que ce soit sur un plan économique (le récit passionnant fait vendre) ou sur un plan rhétorique (le récit émouvant fait agir) ; du côté de la production, il serait possible d’éclairer l’articulation entre l’événement et sa narrativisation, le récit rejouant dans sa structure discursive, mais sans la reproduire à l’identique, la rupture instaurée par l’événement vécu, qui se noue et se dénoue ; enfin, la différence entre la crise vécue et la crise racontée met en tension une visée totalisante et compréhensive du discours (qui tente de s’approprier l’événement saillant ou imprévu, de le domestiquer, de colmater la brèche ouverte par la « crise » ou par l’« intrusion » d’autrui) avec une visée éthique qui pose l’exigence d’une fidélité de la parole au vécu, et qui renonce par conséquent à intégrer ce dernier, dans un mouvement rétrospectif visant une explication ou une compréhension.
Au fondement de la production narrative de nature factuelle, on pourrait donc mettre en évidence une forme de nouement liée à une crise, une tension existentielle mettant en jeu l’indétermination du monde et/ou du futur, qui trouverait une réponse dans la production narrative. Dans Pourquoi nous racontons-nous des histoires ?, Bruner insiste précisément sur ce point :
Concevoir une histoire, c’est le moyen dont nous disposons pour affronter les surprises, les hasards de la condition humaine, mais aussi pour remédier à la prise insuffisante que nous avons sur cette condition. Les histoires font que ce qui était inattendu nous semble moins surprenant, moins inquiétant : elles domestiquent l’inattendu, le rendent un peu plus ordinaire. "Elle est bizarre, cette histoire, mais elle veut dire quelque chose, non ?" : il nous arrive de réagir ainsi, même en lisant le Frankenstein de Mary Shelley. (Bruner 2002 : 79-80)
La narrativité peut ainsi être définie fonctionnellement (au niveau anthropologique) comme la conversion d’une tension existentielle en une tension narrative, comme la transfiguration d’un trait passionnel de l’événement vécu en un trait passionnant de l’événement raconté. L’ancrage de la narrativité dans un fond humoral est certainement un point fondamental dans le domaine des récits factuels, et si « raconter sa souffrance » peut fournir l’occasion de produire un discours passionnant pour autrui, c’est aussi et surtout, ainsi que le suggèrent Maury-Rouan et Vion (1994), un moyen pour soi d’avoir prise sur cette souffrance, de lui donner un sens.
Par ailleurs, du côté de l’interprète cette fois, la tension existentielle se distingue de la tension narrative du fait que la réticence manifestée par la mise en intrigue est perçue comme une réticence provisoire contenant la promesse d’une résolution harmonieuse, d’une résolution dont la responsabilité incombe à quelqu’un d’autre (le narrateur) qui connaît la fin à l’avance et qui a agencé les événements dans le but précis d’atteindre cette « fin ». Le dénouement attendu définit la possibilité émergente d’une compréhension, d’un « prendre ensemble » du segment existentiel formant une totalité signifiante : le récit thématise le monde et sa dynamique est alternativement projective et rétrospective.
Se pose alors la question des conditions de possibilité d’une « intrigue » qui aurait pour objectif de rester fidèle à l’événement dans lequel elle s’enracine, d’un récit (récit factuel, autobiographie ou récit de vie) qui, par conséquent, renoncerait à trahir l’événement en le thématisant, en convertissant les personnes en personnages (ou, pour reprendre une terminologie de la narratologie thématique : en « rôles », en « acteurs » ou en « actants »), en écrasant sa temporalité et en surmontant sa « discordance » initiale (cf. Ricœur) par la structure « configurante » ou « concordante » d’une totalité fermée. Il y a bien une contradiction entre la visée pragmatique de la production narrative, en tant que réponse à une « crise » - cette tendance à la construction d’une signification dont parle Bruner - et l’exigence éthique d’une fidélité du discours par rapport à un événement que l’on sait irrécupérable, dont l’origine et les conséquences se perdent à l’horizon, dans lequel nous ne sommes pas seuls impliqués, et au sein duquel nos actions apparaissent comme une forme de réponse à un affect, à une injonction venue de extérieur.
Le récit qui vise à rester fidèle à sa source devrait se tenir dans cette tension entre le besoin de faire la lumière sur ce qui est arrivé et la nécessité de préserver la part d’ombre où se tient l’Autre, un Autre qui n’est pas ramené au Même, mais qui manifeste au contraire son altérité et l’extériorité de son point de vue par sa résistance à notre pouvoir, Autrui qui surgit comme Adversaire ou comme Sujet du Désir, Autrui qui noue une intrigue avec nous et qui se trouve également à la racine de la prise de parole parce qu’il nous a requis par sa présence. Michel Vanni (2004), dans une réflexion qui recherche à réconcilier la pensée de Lévinas avec la praxis, suggère ainsi que le schème du récit serait, malgré sa tendance configurante, adéquat pour transcrire le mouvement de la réquisition par autrui qui est au cœur de l’éthique. Il affirme qu’il est ainsi possible d’entendre la série temporelle du récit comme un prolongement de l’affect - et non pas comme une structure formelle se retournant sur l’affect pour l’intégrer - un prolongement sans retour, pur “envoi” et il conclut qu’on peut considérer la crise ou la mise en question provoquée par l’effraction de l’autre, comme une sorte « d’embrayeur de récit ».
Nos propres recherches (cf. Baroni 2002b ; 2004a ; 2004c ; 2005b ; à paraître) se présentent comme une tentative de repenser le concept de séquence narrative. L’accent est mis sur le fait que c’est par le biais d’une tension interne que le récit se structure séquentiellement, qu’il inscrit les événements dans une totalité, d’abord attendue, puis finalement réalisée. Ainsi que le remarque Jean-Paul Bronckart : « S’il est rarement posé comme tel, le statut dialogique de la séquence narrative est néanmoins évident. […] Cette séquence se caractérise toujours par la mise en intrigue des événements évoqués. Elle dispose ces derniers de manière à créer une tension, puis à la résoudre, et le suspense ainsi établi contribue au maintien de l’attention du destinataire » (1996 : 237).
La tension narrative est donc ce qui survient lorsque l’interprète d’un récit est encouragé à prévoir et à attendre un dénouement, cette attente étant caractérisée par une anticipation teintée d’incertitude. La tension narrative contribue au phénomène de la mise en intrigue, elle dépend d’une certaine « réticence » du texte à fournir une information que l’interprète souhaiterait connaître d’emblée, et cette tension interne structure et oriente séquentiellement le discours tout en assurant en même temps sa pertinence au niveau de la relation interlocutive. Nous avons dégagé, à la suite des travaux de Sternberg, deux modalités thymiques principales de la tension narrative : le suspense et la curiosité. La curiosité se définit comme un effet qui découle d’une représentation énigmatique de la situation narrative, alors que le suspense dépend pour sa part d’une incertitude qui porte sur le devenir d’une action, dont la représentation respecte au moins partiellement la chronologie. La chronologie, quand elle contribue à produire une tension, apparaît ainsi comme une réticence du texte, car elle retarde l’exposition d’un élément du discours que l’interprète voudrait connaître d’emblée. Cette approche qui tient compte à la fois de la structure de l’action prise en charge par le récit, des modes de textualisation de celle-ci et des effets poétiques qu’elle contribue à produire, consiste par conséquent en une tentative de réconcilier la narratologie thématique (type Bremond) avec la narratologie formelle (type Genette) alors que la tradition les a longtemps opposées.
La logique actionnelle sous-jacente au récit, que les structuralistes concevaient comme l’architecture immanente du texte, se double ainsi d’une saisie impressive, qui lui est indissociable et qui se développe au cours du processus interprétatif sur la base de la rencontre entre un mode de textualisation spécifique, marqué par une réticence stratégique, et une activité protensive d’anticipation qui s’oppose à cette réticence. Ce qui permet de déterminer les lieux où le texte se noue et se dénoue, ce sont par conséquent les interrogations que  produit l’interprète en un point donné du récit et les pronostics et les diagnostics qu’il établit afin de compenser cette relative perte de contrôle dans l’interaction discursive qui est liée à une réticence du texte. Naturellement, les schémas anticipés sont souvent contredits par le texte, qui parvient ainsi à nous surprendre et nous oblige à objectiver nos attentes et à les corriger. La dynamique polarisée du récit, ainsi que l’a clairement exprimé Umberto Eco (1985), met en jeu deux plans de structuration : une structure anticipée et une structure actualisée, qui ne se recoupent pas nécessairement, et c’est de la tension entre ces deux structures que peut émerger le sens du texte. La surprise, en relation avec la tension narrative, apparaît dans cette approche comme l’une des fonctions heuristiques majeures que l’on peut associer à la narrativité ; elle repose sur un processus de méta-abduction résultant d’une abduction qui s’est avérée malheureuse dans le processus interprétatif (cf. Eco 1986).
Le dispositif narratif ne rythme effectivement le discours et ne tient en haleine l’interprète, que dans la mesure où l’attente est vécue dans une passivité relative, dans la conscience d’une incertitude liée à une réticence lisible dans le texte et à un caractère ouvertement imprévisible (le pacte de lecture implique que l’histoire doit être en mesure de surprendre). Cette réticence, qui est donnée comme provisoire, produit alors une tension interne qui confère du relief au discours et qui oriente l’interprétation par l’attente d’un dénouement à venir. C’est cette double dialectique qui apparaît fondamentale dans la mise en intrigue : d’une part celle qui résulte du rapport, dans l’interprétation, entre émotion et cognition, ou entre incertitude et anticipation, et d’autre part celle qui existe entre la réponse anticipée de l’interprète et la réponse effective du texte, dont pourra éventuellement émerger une surprise mémorable.
Ce rapide inventaire ne représente que les premiers jalons, posés par plusieurs chercheurs d’origines diverses, pour une réflexion portant sur les rapports entre passion et narration. De nombreuses autres extensions pourraient être envisagées :
-            une approche passionnelle de la narrativité pourrait conduire à reformuler la distinction entre « histoire » et « discours » formulée par Benveniste, qui a longtemps masqué la dimension proprement dialogique, pragmatique et énonciative de la mise en intrigue dans les fictions littéraires ;
-            la question de la fidélité des récits autobiographiques à un vécu, largement critiquée par les courants constructiviste et textualiste, pourrait aussi faire l’objet d’un réexamen à la lumière de l’ancrage du récit dans un corps et dans un affect dont l’origine est située à l’extérieur du sujet ;
-            d’autres modalités de la tension narrative que celles qui dépendent de la dialectique entre anticipation et incertitude pourraient également être explorées : par exemple, on pourrait montrer que, dans le genre tragique, le caractère inéluctable du dénouement ne neutralise nullement la tension, car cette dernière repose essentiellement sur la contradiction entre un savoir et un vouloir, c’est-à-dire, dans un langage aristotélicien, sur la pitié davantage que sur la crainte ;
-            il faudrait enfin s’interroger sur le sens particulier que prend la « fin-en-suspens » qui caractérise les récits de vie (racontés par des vivants !), mais également de nombreux récits d’actualité ouverts sur la sérialisation (dans la presse ou les médias audio-visuels), les feuilletons littéraires et de nombreux récits littéraires plus ou moins déceptifs ; une telle « fin-en-suspens » s’oppose en effet à la « clôture classique » et à la position distanciée et rétrospective que l’on observe dans les genres narratifs qui ont retenu la plupart du temps l’attention exclusive des narratologues, à savoir la fiction littéraire et l’historiographie.
Sur ce dernier point, la confusion entre configuration (essentiellement rétrospective, voire atemporelle) et mise en intrigue (essentiellement projective, accentuant la temporalité du discours), confusion que l’on doit essentiellement à l’acception extrêmement large de la notion d’intrigue qui s’est popularisée par le biais des travaux des historiens ou philosophe « narrativistes » (cf. Veyne, Danto, Mink, White, Ricœur, etc.), pourrait également être questionnée. Ainsi que l’affirme Louis O. Mink, la configuration tend à gommer le caractère progressif de la lecture, elle tend également écraser la temporalité de l’événement relaté : « The more one comes to understand the actual relations among a number of events, as expressed in the story or stories to which they belong, the less one needs to remember dates. » (Mink 1969-1970: 555). A l’inverse, notre approche « passionnelle » de l’intrigue souligne que cette dernière possède un caractère irréductiblement temporel lié à son actualisation par un interprète : elle établit une tension interne dans l’interprétation (même dans la réitération), elle accentue l’attente d’un dénouement et contribue à polariser et à creuser la temporalité du discours en direction du futur[9], que ce soit par une forme quelconque de « réticence » textuelle nous contraignant à anticiper le dévoilement d’une information provisoirement cachée, ou par l’évocation d’un événement saillant et imprévisible, qui apparaît dans toute son épaisseur chronologique.
Universités de Lausanne et de Fribourg

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[1] Il ne s’agit donc en aucun cas d’une réflexion qui se réfèrerait à la conception étroite du terme associée à la passion amoureuse.
[2] Perelman affirmait qu’« en examinant les figures hors de leur contexte, comme des fleurs desséchées dans un herbier, on perd de vue le rôle dynamique des figures : elles deviennent toutes des figures de style » (1977 : 13).
[3] Voir également les travaux de Vincent Jouve (1992) sur « l’effet-personnage » qui se situent en partie dans le prolongement des travaux de Picard.
[4] Extrait d’un entretien mené par Alexandre Prstojevic pour le site Vox-Poetica, URL : http://www.vox-poetica.org/entretiens/schaeffer.htm.
[5] Les travaux de Meir Sternberg, en l’absence de traductions de ses travaux majeurs, restent malheureusement encore largement méconnus dans la tradition narratologique française.
[6] « La relecture, opération contraire aux habitudes commerciales et idéologiques de notre société qui recommande de « jeter » l’histoire une fois qu’elle a été consommée (« dévorée »), pour que l’on puisse alors passer à une autre histoire, acheter un autre livre, et qui n’est tolérée que chez certaines catégories marginales de lecteurs (les enfants, les vieillards et les professeurs), la relecture est ici proposée d’emblée, car elle seule sauve le texte de la répétition (ceux qui négligent de relire s’obligent à lire partout la même histoire), le multiplie dans son divers et son pluriel : elle le tire hors de la chronologie interne (« ceci se passe avant ou après cela ») et retrouve un temps mythique (sans avant ni après) ; elle conteste la prétention qui voudrait nous faire croire que la première lecture est une lecture première, naïve, phénoménale, qu’on aurait seulement, ensuite, à « expliquer », à intellectualiser (comme s’il y avait un commencement de la lecture, comme si tout n’était déjà lu : il n’y a pas de première lecture, même si le texte s’emploie à nous en donner l’illusion par quelques opérateurs de suspense, artifices spectaculaires plus que persuasifs) ; elle n’est plus consommation, mais jeu (ce jeu qui est le retour du différent). » (Barthes 1970 : 20)
[7] Signalons au passage que l’on ne voit pas pourquoi cette orientation de la lecture, qui favorise dans un premier temps l’économie de la progression, serait incompatible avec une relecture visant une « appropriation » interprétative ultérieure de l’œuvre. Sur ces deux régimes complémentaires de la lecture, cf. Gervais (1992).
[8] Peut-être faudrait-il cependant, ainsi que nous y invite Michel Vanni dans le prolongement de la philosophie d’Emmanuel Lévinas, inverser ce rapport et affirmer plutôt que ce n’est qu’à des êtres souffrants, à des être répondant à un appel qui vient de l’extérieur, de l’Autre, qu’il arrive ce quelque chose : agir…
[9] Bres (1994a) définit la narrativité comme une « mise en ascendance » du temps.

 

Article publié le 15 décembre 2005

 

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