Littérature, sens, Histoire

entretien avec Marc Weinstein


par Céline Bricaire

Marc Weinstein, spécialiste de littérature russe, professeur à l’Université de Provence, a publié sous le titre La geste russe (P.U.P, 2002) les actes du colloque tenu en 1998 « Comment les Russes écrivent-ils l’histoire au XX° siècle ? » Il est l’auteur d’une substantielle étude introductive, dans laquelle il pose les fondements d’une critique qui remettrait au premier plan la question du sens.

 


CB : A lire le sous-titre de votre introduction, « le sens de la littérature russe moderne », on est tenté de comprendre que l'âge des études formalistes est dépassé : le sens de la littérature ne se concevrait pas en dehors du contexte, de l'Histoire. En quoi votre approche est-elle nouvelle ?

MW : Oui, l'âge des études formelles ou formalistes est dépassé si on continue à considérer que la forme n'a pas de sens. Quand vous me prêtez, à tort je crois, l'idée que « le sens de la littérature ne se concevrait pas en dehors du contexte, de l'Histoire », j'aurais tendance à réagir en disant ceci : le sens de la littérature ne se conçoit pas hors de la matrice qui façonne aussi le contexte, l’Histoire, l’époque, etc. Pendant tout le 19ème siècle on a effectivement pensé le sens des œuvres littéraires en fonction de l’esprit du temps (Zeitgeist), de l’essence supposée de la nation et d’autres joyeux joyaux d’idéologie. Le projet de rattacher la littérature à quelque chose de plus vaste qu’elle et qui contribue à son sens était justifié, mais le problème était mal posé (ce qui ne signifie pas que je sois sûr de l’avoir bien posé). Puis (en schématisant), au 20ème siècle, les formalistes russes ont ouvert une époque de sécession : à bas le contexte esclavagiste, vive le texte affranchi ! Je schématise, mais les choses sont plus complexes car : 1) les formalistes, au moins Tynianov et Eïkhenbaum, ont en fait essayé de penser une liaison rigoureuse entre littérature et société, 2) le coin de l’idéologie spiritualiste et nationaliste du 19ème siècle s’est enfoncé largement dans le 20ème (Spitzer en stylistique littéraire, et plus discrètement en russistique Nivat), 3) les structuralistes et les sémioticiens ultérieurs ont été plus formalistes que les Formalistes russes.

Disons malgré tout que grosso modo les sécessionnistes ont dominé le 20ème siècle. Au lieu de tenter une position plus juste du problème mal formulé par le 19ème siècle, ils l’ont « refoulé » : est-ce que ça nous a avancés ? De toute façon le problème cognait obstinément à la porte ; l’un des grands « formalistes » récents, Genette, constatait en 1969 qu’on se servait souvent, quand on cherchait à élucider les rapports entre un genre littéraire et son environnement non-littéraire, de la formule « ce n’est pas un hasard si à la même époque ». Suivait le relevé d’une analogie quelconque, dont on ne savait pas si elle faisait solution ou problème, puisque, dit Genette, « tout se passe comme si l’idée que ‘ce n’est pas un hasard’ dispensait de chercher sérieusement ce que c’est, autrement dit de définir avec précision le rapport dont on se contente d’affirmer l’existence » (Figures III, Seuil, 1972, p. 16). A peu près au même moment, Meschonnic, pourtant lui aussi en bisbille avec les idéologues, devait entendre trembler la porte, puisqu’il avançait, au début de Pour la poétique, un nouveau concept : celui de « forme-sens ». A l’époque la chose est tombée dans le vide, et j’en suis profondément navré.

J’estime aujourd’hui que la formule négative « ce n’est pas un hasard » ne me dispense pas de chercher ce que c’est positivement.

Je propose aujourd’hui ceci (qui reste à préciser, étayer, amender, affiner, invalider s’il le faut) : on ne peut pas établir de relation directe entre la littérature et la société parce que la relation est indirecte. Elle passe par une « forme-sens » matricielle – eïdos global qui façonne l’ensemble des domaines socio-culturels, plus exactement qui façonne l’eïdos de chaque domaine socio-culturel. On est obligé de passer par cette matrice globale pour établir un lien entre (par exemple) l’eïdos de la littérature et celui de l’histoire politique. Vous me demandez en quoi cette approche est nouvelle : elle est nouvelle en ce que, sauf oubli de ma part, je ne connais personne qui ait tenu cette démarche à la fois différentielle et unitaire, à la fois globalisante et non-réductrice. Pour donner un exemple rapide, trop rapide, je dirai : le 20ème siècle (occidental) est l’âge de l’oxymore. L’oxymore politique du 20ème siècle : il n’y a pas de siècle qui se soit autant référé à l’Homme (avec la majuscule de l’Humanisme, voir Le siècle de Sartre de B.-H. Lévy) et qui ait en même temps exterminé autant d’hommes (avec la minuscule). (Pourtant le 19ème s’était déjà montré bon élève – voir Sur l’antisémitisme et L’impérialisme de Hannah Arendt.) L’oxymore littéraire du 20ème siècle : la relativité absolue. (Ce que j’ai développé dans mon propos introductif.)

CB : Si l’on voulait donner une idée synthétique et imagée des choses, pourrait-on dire : il y a une forme-sens qui est le moule où s'est coulée toute oeuvre du XX° siècle (même si l'écrivain peut très bien se situer de n'importe quel côté du moule) ? La notion d'eïdos n'est-elle pas le moyen de conceptualiser, de rationaliser une notion aussi fuyante que celle de « sensibilité » ou de « culture » d'une époque, et de la faire entrer par la grande porte dans la critique littéraire ?

MW : Oui, vous comprenez bien, sauf que l’image du moule n’est pas bonne : un gâteau qui se coule dans un moule ne modifie pas le moule, alors que l’œuvre qui arrive modifie la matrice dont elle relève. Comme d’autres, les notions fuyantes de « sensibilité » ou « culture » ont le mérite de la tentative d’une corrélation ; à ce titre l’eïdos est, si vous y tenez, le moyen de conceptualiser. Mais il me semble qu’il faut tracer une ligne de démarcation plus nette entre les notions précédentes et l’eïdos : le « Zeitgeist » ou la « sensibilité » ont servi le plus souvent à ignorer l’aspect ludique-esthétique des œuvres et à privilégier les « idées » des écrivains. L’intérêt de l’eïdos est d’abord le mot : il désigne en grec aussi bien l’idée que la forme. C’est ensuite la chose : il conjoint la forme et l’idée-sens. Prenons l’exemple de la narration : la narratologie nage largement, depuis quarante ans, dans l’abstraction formaliste, comme si les formes-structures narratives n’avaient pas de sens. Il faut relire par exemple les pages 246-261 des Figures III de Genette (sur le passage de Jean Santeuil à La recherche) pour comprendre les avancées et les limites de la narratologie privée d’eïdos : les changements narratifs entre les deux œuvres proustiennes sont décrits rigoureusement, leur signification s’ébauche (p. 256-257 : la conquête du « je » non comme retour à soi, mais comme expérience difficile d’un rapport à soi vécu comme décentrement), mais l’ébauche est stoppée rapidement : quel est le sens de cette « expérience difficile », de ce « décentrement » ? Il me semble que ce sens s’éclaire avec l’eïdos de la relativité absolue. La recherche marque l’avènement de ce que j’appelle avec Yourcenar le Monologue Intérieur à la Troisième personne (MI3), et ce MI3 est le mode narratif le plus typique et répandu de l’âge de la relativité absolue (en terre russe : Mandelstam, Pasternak, Tynianov, Nabokov, etc., en terre française : Proust partiellement, Aragon partiellement, Sartre, Yourcenar, Bianchon, Del Castillo, etc.). Le sens eïdétique du MI3 est indiqué par Sartre dans Qu’est-ce que la littérature ? – je cite le passage à la page 62 de La geste russe : « Nous avons une tâche […], c’est de créer une littérature qui […] réconcilie l’absolu métaphysique et la relativité du fait historique […] Puisque nous étions situés, les seuls romans que nous pussions songer à écrire, étaient des romans de situation, sans narrateurs internes ni témoins tout-connaissants ; bref, il nous fallait […] faire passer la technique romanesque de la mécanique newtonnienne à la relativité généralisée, peupler nos livres de consciences à demi lucides et à demi obscures. »

CB : L‘ambition de votre réflexion est extrêmement stimulante. Et les nouvelles générations ne peuvent que se réjouir de voir sortir les slavistes de leur camp retranché, quand vous jetez des ponts entre Proust, Joyce, Tchekhov et Rozanov (entre autres exemples). Il y a toutefois quelque chose qui me gène dans votre démonstration. Je m‘explique: en vous lisant, le lecteur comprend bien que la théorie de la forme-sens n‘est pas réductible à une périodisation de l‘histoire de la littérature. Il constate simplement (avec vous) que l‘eïdos de la modernité coïncide pratiquement avec le XX°s (1880-1980?). Il vous voit aussi opposer deux eïdos (tableau de la p.60): celui du positivisme / celui de la relativité. Est-ce que cela veut dire qu‘il faut concevoir la littérature (profane) comme deux continents séparés (certains auteurs ayant un pied de chaque côté)?

Vous voyez, en tant que lecteur, je me demande: que faire, par exemple, d’un Rabelais? Autrement dit, est-ce qu’il faut comprendre que votre description des traits distinctifs de l’eïdos du positivisme s’applique à tous les siècles antérieurs au XX°?

MW : Votre question va droit dans le mille : elle touche aux limites et aux problèmes de la théorie de l’eïdos telle qu’elle se présente actuellement (et j’espère que votre question l’aidera à s’améliorer ou à s’autodétruire). Dans le principe l’eïdos devrait aider à élaborer une vraie périodisation de la littérature (des littératures), c’est-à-dire à délimiter des époques-synchronies. Exemple : l’oxymore de la relativité absolue semble définir l’époque-synchronie littéraire du 20ème siècle souplement circonscrit. Mais si la forme-sens de l’oxymore est celle de tout le 20ème siècle (« tout » signifie dans tous les domaines-systèmes : culturel, politique, économique, philosophique, etc.), qu’en est-il de l’autonomie du système-littérature par rapport aux autres systèmes sociaux ? Si, comme je le pense, on ne peut pas jeter par dessus bord cette loi de l’autonomie-spécificité de chaque domaine (le littéraire en ce qui nous concerne), alors comment allier le souci spécificateur à la visée globale-sensifiante (eïdétique) ? Précédemment, quand vous m’avez posé la question des rapports entre littérature et société/sensibilité, j’ai suggéré que le chercheur ne pouvait étudier finement ces rapports qu’à condition de les penser comme indirects (passant par la matrice eïdétique). Cette condition est sans doute nécessaire ; mais est-elle suffisante ? Je n’en suis pas sûr. Il y a peut-être encore autre chose…

A cette incertitude s’ajoute (ou se mêle, je ne sais pas) la difficulté chronologique (les deux sont peut-être liées ?). Si le tableau de la page 60 suggère que tout ce qui précède la relativité absolue relève du positivisme, il fait fausse route : la forme-sens du positivisme s’applique à un certain 19ème siècle lui aussi souplement circonscrit selon les pays. Mais la difficulté chronologique (c’est-à-dire la difficulté de périodisation-sensification) n’en est pas levée pour autant : vous avez raison de parler de Rabelais, et j’ajouterai par exemple Diderot, Pouchkine, et plus généralement tous ces artistes qui, bien avant le 20ème siècle, sont étonnamment modernes-oxymoriques : Le Festin pendant la peste est en 1830 tout un programme de modernité oxymorique !! La question qui se pose alors est la suivante : l’oxymore que je pense typique du 20ème siècle n’est-il pas au fond une caractéristique générale de la sphère esthétique telle qu’elle fonctionne depuis la Renaissance ? Si oui, badaboum : c’est toute tentative de périodisation qui s’écroule. Cela signifierait qu’il n’y a finalement aucune différence entre Pantagruel et Belle-du-Seigneur, les deux appartenant à une modernité entendue au sens large. C’est plus ou moins la conclusion à laquelle on arrive quand on lit le très stimulant Jacques Rancière (La chair des mots, Galilée 1998 ; La parole muette, Hachette, 1998 ; Le partage du sensible, La Fabrique, 2000). La critique ranciérienne de la notion de « modernité » qui régnait en dictateur dans les années 1970-1980 (et qui a toujours ses ambassades aujourd’hui) est pertinente : Rancière montre bien l’absurdité de la ligne de rupture (entre ancien et moderne, entre art mimétique et art non-mimétique) tracée par les modernitaristes, il révèle leur historisation simpliste fondée sur le passage à l’« abstraction » en peinture, littérature, etc. Mais cette critique s’accomplit au profit de ce que le philosophe appelle le Régime Esthétique des Arts (qui s’instaure après le Régime Ethique des Images [Platon], et après le Régime Représentatif des Arts [grosso modo, d’Aristote à l’Age classique : à sujet noble genre noble et style noble, à sujet trivial genre trivial et style trivial]). Si j’ai bien compris, l’avènement du Régime Esthétique des Arts date du 17ème-18ème siècle ; au fond la modernité rigoureusement définie commence là, et elle est fondamentalement contradictoire, oxymorique. Rancière parle d’un sensible habité par une puissance hétérogène : dans la littérature depuis le 17ème siècle le savoir est transformé en non-savoir, le logos est identique au pathos. C’est l’idée de l’œuvre entièrement calculée et en même temps soustraite à la volonté (Proust, dit Rancière, et il faut ajouter au moins Nabokov, Mandelstam). La question de Rabelais (par exemple) reste entière – sauf si nous sommes victimes d’une erreur projective : peut-être devrions-nous relire Rabelais en essayant de nous placer un tant soit peu dans les conditions de création-lecture de l’époque de référence. Nous verrions alors qu’il n’est pas possible de le compter parmi les modernes. Admettons. Cela n’annule pas, de toute façon, la question de l’évolution-historicité-périodisation au sein de la modernité (Régime Esthétique des Arts) : quelle différence fondamentale entre Baudelaire et Saint-John Perse ? entre Pouchkine et Mandelstam ? Rancière ne donne rien qui permette de répondre à ces questions, ou plutôt il fournit des analyses qui poussent à la réponse négative : aucune différence. Dans le Régime Esthétique des Arts, l’art se contenterait de varier une seule et même immense forme-sens oxymorique. L’évolution artistique ne serait-elle qu’une variation de l’identique, c’est-à-dire une non-évolution ? Autant je ressens comme très pertinente la forme-sens oxymorique, autant la non-évolution me laisse perplexe. Voilà, j’en suis là.

CB : En vous lisant, j’ai été personnellement frappée par votre mise en parallèle des œuvres de Nabokov et de Soljénitsyn. Vous dites : « Ce serait renvoyer l’auteur /Soljénitsyn/ vers un âge pré-relativiste que d’en faire un prosélyte de la ci-devant éthique chrétienne (…). Si l’on prend l’éthique dans son sens traditionnel (pré-nietzschéen), alors tout discours qui l’érige en primat est didactique-violent puisque ce primat est le signe du pouvoir de l’homme sur l’homme. » Je ne suis pas sûre de bien vous comprendre : j’ai l’impression, peut-être erronée, qu’un tel commentaire ne retient du religieux que les articles du dogme (la transcendance divine etc.), et qu’il ignore l’éthique du chrétien, fondée, me semble-t-il, sur la liberté.

MW : Votre impression n’est pas fausse ; mais il me semble que le dogme résume la base de l’éthique et du sentiment religieux chrétien. A quoi se réduirait la religion d’un chrétien qui ne penserait-sentirait pas que l’âme est immortelle, que Dieu est transcendant (dualisme) ? Je crois qu’elle se réduirait à une métaphore. Or vous, vous avez l’air de pouvoir séparer l’éthique du chrétien du dogme chrétien (nous admettons au passage que ce dernier, malgré les divergences du catholicisme, du protestantisme et de l’orthodoxie, est unitaire sur un fond minimal). Je le répète : je ne vois pas comment c’est possible, sauf à faire du mot « chrétien » dans « l’éthique du chrétien » une métaphore. Mandelstam par exemple, dans Le mot et la culture (1921), fait du mot un usage métaphorique : « Aujourd’hui tout homme de culture est un chrétien ». L’éthique de la liberté dont vous parlez est un dérivé « déreligiosisé », métaphorisé du christianisme, et pour ma part j’y souscris totalement. Cela signifie aussi qu’il faut être conscient de ce que cette éthique est contraire à la nature cratique (cratos = pouvoir) du dualisme, de la transcendance, de l’immortalité. Tous les raisonnements théologiques (notamment autour de la Trinité, de la transsubstantiation) ne sont que des ratiocinations-sophistications-encre-de-pieuvre destinées à cacher le fond de l’affaire.

Il est clair que l’homme Mandelstam (remplacez par tout autre nom d’écrivain ou poète) dans sa vie privée peut très bien avoir été croyant, mais l’homme biographique n’est pas l’artiste. Il n’y a pas d’artiste chrétien au sens propre de l’adjectif, et tout artiste est chrétien au sens métaphorique (même le communiste Aragon, auteur de La semaine sainte). Une fois précisée ce distinguo, on peut dire ceci :
Si on pense qu’un artiste est vraiment chrétien, cela veut dire qu’il perpétue ou importe des structures cratiques dans son œuvre. C’est absolument contradictoire : l’art étant fondamentalement acratique, Dostoïevski (ou tout autre : Soljénitsyne, etc.) est chrétien ou écrivain, mais pas les deux à la fois. Un artiste est fondamentalement moniste (Nabokov en est conscient), un vrai chrétien est fondamentalement dualiste. Si l’on estime que Dostoïevski, Soljénistyne, sont de véritables écrivains-artistes, alors il n’est plus possible de parler de primat éthique (pouvoir religieux) à propos de la littérature russe : le primat disparaît au profit d’une égalité-trinité renouvelée, modernisée entre Beau, Vrai, Bien. Mais cette tri-unité est propre aussi à la littérature française, américaine, etc.

CB: Merci à vous d‘avoir accepté d’éclaircir tous ces points. Je terminerai par une question susceptible d’intéresser la communauté scientifique. Vous semblez trouver dans la sensibilité et la forme de pensée des philosophes contemporains des aliments qui nourrissent votre propre réflexion. Votre travail a-t-il a son tour suscité des échos auprès de ceux qu’il intéresse a priori le plus : les chercheurs russes?

MW : Je ne sache pas avoir suscité des échos. Mais ça ne m’empêche pas de revenir sur le mot « aliments » qui figure dans votre question. J’aurais tendance à le récuser dans la mesure où mon premier aliment est la littérature (comme pratique première). Si je lis de la philosophie (réflexion seconde), c’est pour constater avec émerveillement à quel point la pratique littéraire première a déjà beaucoup, voire tout dit avant elle, la tâche de la philosophie étant alors visiblement de déplier les plis littéraires – tâche parmi d’autres bien sûr, et qui est loin d’être humiliante ! En ce moment, par exemple, je suis ébahi de voir combien Mandelstam renouvelle poétiquement l’ontologie avant Heidegger : le dévoilement acméiste de l’être chez le premier annonce la « monstration » phénoménologique du second. « Aimez l’existence de la chose plus que la chose elle-même, et votre être plus que vous-même », dit Mandelstam. Le « Dasein » heideggerien est déjà là en germe, c’est-à-dire en pli.

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